Partager la publication "Faux, des médias furent fermés et internet coupé sous le règne d’Alpha Condé !"
Contrairement à l’affirmation du reggaeman guinéen et homme politique, Elie Kamano, sous le règne du Président Alpha Condé, des radios ont été fermées et internet a aussi été coupé.
« Alpha Condé n’a jamais fermé un média, il n’a jamais coupé internet », a affirmé le 21 janvier 2024, Élie Kamano. L’artiste reggaeman et président du Parti guinéen pour la solidarité, la démocratie et le développement (PGSD) s’exprimait à l’occasion de l’assemblée générale Lafidi FOUTI, une rencontre hebdomadaire autour d’un des plats traditionnels les plus convoités de la Guinée. Ces propos ont notamment été rapportés par nos confrères du site d’informations Guinee360.com.
Durant les 10 ans et 8 mois passés à la tête de la Guinée, le régime de l’ancien président Alpha Condé a-t-il fermé un média ou coupé internet ? La rédaction de GuineeCheck.org a décidé de vérifier l’affirmation du reggaeman guinéen, reconverti en homme politique, qui assure le contraire.
Dans nos recherches, nous avons retrouvé plusieurs cas où des radios avaient été fermées, sous le règne d’Alpha Condé. Et le réseau internet a été coupé à, au moins, deux reprises, ainsi qu’un site d’informations suspendu par la Haute autorité de la communication (HAC), l’instance de régulation des médias en Guinée.
Fermetures de radios…
Le 2 novembre 2017, la radio Espace FM fut suspendue par la HAC. Il était reproché à ce média – appartenant Hadafo Medias – d’avoir diffusé dans l’émission “Les Grandes Gueules” du 1er novembre 2017, « des informations susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État et de saper le moral des forces armées et de l’ordre public. »
En 2017, à cause d’un mouvement de grève déclenché par le Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG), les cours étaient presque partout à l’arrêt au sein des institutions d’enseignements pré-universitaires étaient presque à l’arrêt partout, Dans la foulée de cette crise qui a miné l’école guinéenne, le président d’alors, Alpha Condé, avait menacé de fermer tout média qui donnerait la parole à Aboubacar Soumah, le secrétaire général adjoint d’alors du SLECG et présenté comme le principal meneur du mouvement.
Les jours suivants cette menace du chef de l’État guinéen de l’époque, la radio BTA FM émettant depuis Labé, en Moyenne-Guinée, a donné la parole au syndicaliste Aboubacar Soumah. Sadou Keïta, Gouverneur de Labé au moment des faits, s’énerve et procède immédiatement à la fermeture du média, le 27 novembre 2017. « La radio a violé la consigne du chef de l’État », s’était défendu le gouverneur de Labé, interrogé par Mediaguinee.com. Au lendemain de cette fermeture, Martine Condé, la présidente d’alors de la Haute autorité de la communication (HAC) ordonne la réouverture de la radio.
Site d’informations suspendu
Dans la soirée du 18 octobre 2020, le site d’informations Guineematin.com a été suspendu pour une période d’un mois par la HAC. L’instance de régulation des médias en Guinée reproche au quotidien en ligne d’avoir relayé le dépouillement des résultats de la présidentielle qui s’est tenu le même jour.
Coupures d’internet
Sous le régime d’Alpha Condé, en l’espace d’une année, internet a été restreint voire couper à deux reprises. A l’occasion du double scrutin législatif et référendaire du 22 mars, durant plusieurs jours l’accès à internet était impossible. En octobre de la même année, après la publication des résultats de l’élection présidentielle qui ont donné Alpha Condé vainqueur avec 59,49 % des suffrages, devant Cellou Dalein Diallo, son principal challenger crédité de 33,5 % des voix, selon les résultats globaux provisoires rendus publics par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), internet a été coupé à nouveau dans tout le pays.
Après ces deux coupures d’internet en moins d’une année, des organisations de la société civile guinéenne et des médias guinéens ont, en 2021, porté plainte contre l’État guinéen devant la Cour de justice de la CEDEAO. Ils accusent les autorités de Conakry d’alors d’avoir violé les droits à la liberté d’expression. En octobre 2023, à l’issue d’une longue procédure judiciaire, la Cour de justice de la CEDEAO a pour ces faits condamné l’État guinéen .
“Clarification” de ses propos
Dans le cadre de la rédaction de cet article, nous avons contacté Eli Kamano. Après lui avoir égrainé les résultats de nos recherches, nous lui avons demandé s’il maintient toujours ses propos. Au téléphone, il déclare : « Je n’ai pas parlé d’internet. J’ai parlé des médias, en parlant d’Alpha Condé, et j’ai même donné des exemples des manifestations qu’on tenait avec le FNDC. J’ai dit qu’aucun président au monde n’aimerait que la mobilisation de ses opposants soit vue par le monde entier, à travers les médias, les télévisions qui sont dans son pays. Et j’ai dit que sous Alpha Condé, pendant qu’on était en prison, on suivait les manifestations sur Évasion, sur d’autres télévisions et ça n’a pas été coupé [pour autant]. Mais je n’ai pas parlé d’internet, voilà. J’ai parlé des télés privées là, j’ai parlé des radios et télés ».
Pourtant dans l’enregistrement sonore de son intervention à l’assemblée générale Lafidi FOUTI du 21 janvier dernier, on entend bel et bien Élie Kamano affirmer ( de 00: à 1 minutes) : « Alpha Condé n’a jamais fermé un média, il n’a jamais coupé internet ».
Pour rappel, cette sortie intervient dans un contexte marqué par la restriction des réseaux sociaux, le brouillage des fréquences des principales stations de radios privées de Guinée et le retrait des chaînes de télévision Espace TV, Évasion TV et Djoma TV des bouquets des distributeurs Canal + et StarTimes.
Verdict
Contrairement à l’affirmation du reggaeman guinéen et homme politique, Elie Kamano, sous le règne du Président Alpha Condé, des radios ont été fermées et Internet a aussi été coupé.
Cet article a été rédigé par Mamadou Barry dans le cadre du projet d’Éducation au Média à l’Information et au Numérique Plus (EMIN+) avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par le directeur de publication Sally Bilaly Sow.
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