Partager la publication "Hôpital National de Donka : le petit-déjeuner servi aux patients trop maigre ?"
Le 10 juin, Bouka Barry a dénoncé, à travers cette publication (lien archivé) faite sur le réseau social Facebook, le service de restauration de l’hôpital national Donka. Dans son post accompagné de trois photos, il indique qu’à l’ « hôpital national Donka, voici le petit déjeuner qu’on donne aux patients. Pire, il coûte 30 000 GNF. Il est composé d’un morceau de pain, d’un fromage, d’un sachet de lait et de l’eau chaude. Halte à l’arnaque dans nos hôpitaux ».
A la date de la publication de cet article, son post a généré plus de 20 commentaires et 1 partage, soulevant un lot des réactions chez ses abonnés.
Bouka maintient ses accusations
Dès l’entame de notre vérification, nous contactons Bouka Barry, l’auteur de la publication. Dans un entretien téléphonique, il précise avoir fait cette publication à la suite d’un constat sur la nourriture servie au patient qu’il accompagnait. Celui-ci y a été admis le 05 juin 2024, avant d’être hospitalisé au niveau du Service de neurochirurgie. « Chaque matin, il reçoit comme petit déjeuner un morceau de pain, du fromage, un sachet de lait, deux morceaux de sucre et un thé chaud qu’on nous facture à 30 000 francs guinéens qui sont inclus dans nos factures », a-t-il expliqué.
Poursuivant, il a ajouté « qu’aucun parent ne peut envoyer de la nourriture à l’hôpital. Que c’est l’hôpital qui prend tout en charge. Les frais d’hospitalisation coûtent 50 000 GNF par jour. Le petit déjeuner est payé à 30 000 GNF, le déjeuner à 45 000 GNF et le dîner à 45 000 GNF. Soit un montant total de 170 000 GNF par jour dont 120 000 GNF pour la restauration (…) Ce n’est pas du tout abordable pour le Guinéen. »
A en croire son témoignage, le menu ne serait pas adapté à tous les patients. « A chaque fois que je venais rendre visite au jeune, il me disait qu’il était constipé, qu’il ne mangeait plus la nourriture qu’on lui donnait, estimant qu’elle n’était pas de bonne qualité. Malgré tout, on reçoit une facture où tout est inclus. Que le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner soient mangeables ou pas, il faut payer », regrette-t-il.
A la question de savoir s’il a fait une réclamation au niveau de l’administration de l’hôpital, il a répondu par l’affirmative, ajoutant toutefois n’avoir pas obtenu gain de cause. « J’ai discuté avec les responsables de la facturation. Je suis passé les voir deux fois avec les mêmes images et les mêmes aliments. Le responsable qui est à la rentrée de la facturation m’a orienté vers la coordinatrice que je suis passé voir à son bureau. Je lui ai dit que ce n’est pas une alimentation qu’on peut donner à un malade. J’ai fait des réclamations plus de quatre fois (…) Depuis qu’il y a eu la concession de l’hôpital, les médecins viennent, prescrivent et quittent. Ils n’ont rien à voir avec tout ce qui concerne la nourriture. Et pour tromper les gens, ils disent que c’est le médecin traitant qui indique la nourriture à donner aux malades. Je leur ai dit qu’aucun médecin ne peut prescrire à un malade un sachet de lait de « King », a insisté Bouka Barry.
Une accusation confirmée par un autre témoignage
Dans notre quête d’informations autour de cette affaire, nous avons recueilli un autre témoignage. Il s’agit de celui de l’épouse d’un patient. Pour des mesures de sécurité, nous avons opté pour l’anonymat. « Parfois, c’était un morceau de pain d’environ 1 000 francs et du fromage qu’on recevait. Le petit-déjeuner que recevait mon mari ne contenait cependant pas d’ovaltine », a-t-elle confié, confirmant au passage les allégations du journaliste.
Réponses des responsables de l’hôpital national de Donka
Nous avons contacté des responsables du centre hospitalier autour de ces accusations. Le service communication qui nous a reçu a déclaré être surpris par ces allégations.
Selon Naby Yaya Camara, l’instauration de l’alimentation pour les patients fait suite à un constat. « On a installé ce service de restauration parce qu’on avait remarqué que quand les gens venaient, la plupart des maladies provenaient des orifices, notamment la bouche. Donc, l’alimentation. Et quand les gens étaient hospitalisés, généralement, leur état s’aggravait, compte tenu de l’alimentation donnée (…) Pour que les efforts de soins ne soient pas vains, on a pensé aux diététiciens, en mettant en place ce système de restauration pour supporter les soins offerts. Et les plats ne sont pas donnés au hasard », a assuré le conseiller en communication de l’hôpital national de Donka.
Confirmant que la restauration journalière (petit-déjeuner, déjeuner et dîner) est à 120 000 francs guinéens, M. Camara a ajouté que les menus varient selon les jours, sans que cela ne se répercute sur le prix. « Il y a parfois du pain complet, de la bouillie, du fonio, de la purée, du ragoût, etc. On a un tarif subventionné aujourd’hui. Cette réforme est faite sur le volet social, pas mercantiliste ou pour faire du profit (…) Parfois, on a des patients qui sortent ici sans payer ces frais. Aujourd’hui, on a des milliards non recouverts liés à cette alimentation, des prestataires à qui on doit », a-t-il déclaré, ajoutant que ce n’est pas l’hôpital de Donka qui impose ce que le patient doit manger mais plutôt le médecin. « On priorise plus la qualité que la quantité. Il y a un régime qui est prescrit selon la situation du malade », a-t-il assuré.
Mamadou Aliou Bah, directeur administratif et financier de l’hôpital national de Donka précise que si les parents doivent admettre un patient dans le centre hospitalier, la soumission à la restauration interne est obligatoire ; et qu’ils sont informés à l’avance. « On leur parle de la restauration en les informant qu’on a le restaurant hospitalier qui est là. Donc, pas besoin de ramener de la nourriture venant de l’extérieur. Ça, c’est très important car, pour nous, la nourriture fait partie des soins. C’est comme un médicament qu’on administre aux patients (…) Il faut savoir que nous préparons de la nourriture hospitalière pour les malades. Ce n’est pas gras, c’est sans bouillon (…) En laissant le parent envoyer ce qu’il veut, on n’aide pas le patient (…) On leur donne une fiche de consentement pour dire que oui ils ont pris connaissance des règles et ils les acceptent. Donc à partir de là, de façon régulière, chaque deux jours, les agents administratifs viennent vers les parents du patient pour lui présenter la situation de son compte. Mais malgré ça, on a des milliards d’impayés de la part de certains patients », a confirmé M. Bah.
Selon lui, la photo qui accompagne la publication de Bouka Barry est trompeuse. « Par principe, nos menus sont variés. Par exemple, côté petit-déjeuner, il y a des viennoiseries qui sont servies. Parfois, ce sont des sandwichs au poulet, poisson ou viande. D’autres fois, ce sont des omelettes. Donc, c’est totalement varié ! Parfois, il peut y avoir un pain complet, du fromage, du lait ou autre », a-t-il clamé, avant de faire remarquer que le morceau de pain montré dans la photo diffusée par le journaliste est partiellement consommé. « On ne peut pas se permettre de livrer un truc comme ça. Quand la photo a été prise, la personne s’était alimentée ou était en train de consommer sa ration », a juré ce responsable de l’hôpital.
Alors que les témoignages des deux personnes ayant accompagné des proches, récemment hospitalisés à Donka, pointent du doigt le petit-déjeuner servi dans le principal hôpital national de Guinée, ses responsables rejettent les accusations. Nous mettrons à jour cet article si nous obtenons de nouvelles informations ou de nouveaux témoignages.
Cet article a été rédigé par Elisabeth Zézé Guilavogui. Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par Sally Bilaly Sow.
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