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Mise en demeure d’Espace TV : la décision de la HAC est-elle fondée ?

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De la gauche vers la droite, le Président de la HAC et le PDG du Groupe Hadafo Médias. Montage fait par la rédaction de GuinéeCheck

Dans sa décision 002 HAC 24 du 05 février 2024, la Haute autorité de la communication (HAC) a mis en demeure la Direction générale d’Espace TV « de cesser la diffusion de ses programmes sur la chaîne Telesud sur le bouquet Canal plus » en Guinée  . Celle-ci est consécutive à la correspondance adressée à la Direction générale de Canal plus, le 09 décembre 2023. Un courrier dans lequel la HAC lui demande de retirer « du Bouquet Canal+, pour des impératifs de Sécurité nationale, à titre conservatoire, les chaînes Espace FM et Espace TV, Evasion FM et Évasion TV, jusqu’à nouvel ordre… »

Les missions de la HAC prévues par la loi L0010… 

La Haute autorité de la communication (HAC) est l’organe de régulation des médias et de la communication en République de Guinée. Ses attributions, sa composition, son organisation et son fonctionnement sont définis par la loi organique L0010 du 03 juillet 2020. Selon son article 1, la HAC est un organe de régulation, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière. 

Plus loin, l’article 2 de la même loi définit la mission de la HAC. Celui-ci stipule que la HAC « est un organisme de défense du droit des citoyens à l’information. Elle a un rôle de soutien et de médiation en vue d’éviter:

  • le contrôle abusif des médias par le gouvernement; 
  • la manipulation de l’opinion publique à travers les médias ».

L’analyse d’un juriste… 

Pour Fayimba Mara, juriste et analyste politique, dans le cadre de la loi organique sur la HAC, selon les dispositions des articles 1 et 2, cette institution a un double rôle de régulation et de médiation. « L’article 2 rappelle à la HAC qu’elle est une institution de médiation entre l’État et les médias. Il doit éviter que celui-ci n’exerce un contrôle abusif sur les médias. De l’autre côté, la HAC veille au respect des lois qui régissent les médias et la communication ainsi que le respect des cahiers de charges. Tant que ces lois et règlements ne sont pas violés, la HAC ne peut ordonner le retrait ou l’arrêt de la diffusion d’une émission ou d’un média », estime-t-il.

Des impératifs de « Sécurité nationale »

Dans sa correspondance adressée à la Direction générale de Canal plus, le 09 décembre 2023, la HAC a justifié sa demande de retrait d’Espace TV par « des impératifs de Sécurité Nationale ». Un argument qui ne convainc pas Fayimba Mara. « Est-ce que l’impératif de Sécurité nationale évoqué est vérifiable dans les faits ? La tranquillité est-elle menacée ? La stabilité et la paix sont-elles menacées ? Si nous sommes dans ce contexte, ses raisons sont justifiées. Mais si ce n’est pas le cas, ces interdictions absolues ne servent pas à la démocratie », analyse le juriste.

Quand les gouvernants justifient les restrictions par la sécurité nationale…

Dans les Principes de Johannesburg, E/CN.4/1996/39, l’ONU a clairement défini la Sécurité nationale, la liberté d’expression et l’accès à l’information. Dans le principe 2 de ce document, l’ONU interpelle les autorités qui justifient des actes de restriction de la liberté d’expression par des « raisons de Sécurité nationale ».

(a) Une restriction qu’un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de Sécurité nationale n’est pas légitime à moins que son véritable but et son effet démontrable ne soit de protéger l’existence d’un pays ou son intégrité territoriale contre l’usage ou la menace d’usage de la force que cela vienne de l’extérieur, comme par exemple une menace militaire, ou de l’intérieur, telle que l’incitation au renversement d’un gouvernement.

(b) En particulier, une restriction qu’un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n’est pas légitime si son véritable but et son effet démontrable est de protéger des intérêts ne concernant pas la Sécurité nationale, comme par exemple de protéger un gouvernement de l’embarras ou de la découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le fonctionnement des institutions publiques, ou pour imposer une certaine idéologie, ou pour réprimer des troubles sociaux.

Des engagements de la Guinée

Depuis le 05 septembre 2021, la Guinée est dans un régime de transition suite au coup d’État perpétré par Mamadi Doumbouya contre le régime de l’ancien président Alpha Condé. La Constitution est suspendue et remplacée par la Charte dela transition qui fait office de loi fondamentale durant la période de transition.

Dans le préambule dans la Charte de la transition, la Guinée réaffirme son attachement aux valeurs et principes démocratiques. « Réaffirmant notre attachement aux valeurs et principes démocratiques tels qu’inscrits dans la Charte des Nations-Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 de l’Union Africaine, ainsi que le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2000 de la CEDEAO sur la démocratie, la bonne gouvernance et les élections », peut-on y lire.

Selon Fayimba Mara, en réaffirmant son attachement aux « valeurs démocratiques », la junte militaire dirigée par le désormais général Mamadi Doumbouya est tenue de respecter la « liberté d’expression » qui est un principe sacré en démocratie.

Verdict

La HAC a pour rôle de veiller au respect des lois et règlements en matière de communication en Guinée, tout en s’assurant du respect des cahiers de charges par les médias. Elle assure la médiation entre les médias et le gouvernement pour empêcher un contrôle abusif du gouvernement et la manipulation de l’opinion publique à travers les médias.

La HAC ne doit pas être complice du gouvernement pour exercer des restrictions absolues dans le but d’éteindre les voix dissonantes. Ceci est contraire à la fois aux lois nationales, aux conventions et protocoles ratifiés par la Guinée.


Cet article a été rédigé par Mamadou Ciré Barry dans le cadre du projet d’Éducation au Média à l’Information et au Numérique Plus (EMIN +) avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par le directeur de publication, Sally Bilaly SOW.


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