Partager la publication "Oui, Air Guinée était la première compagnie en Afrique de l’Ouest dans les années 70 et 80 !"
Le 14 janvier 2024, sur le réseau social Facebook, la page « Peuples dignes » a interpellé les internautes en leur demandant s’ils savaient qu’Air Guinée a été « la première compagnie nationale et indépendante dans les années 70 et 80 ». L’auteur de la publication affirme que la compagnie aérienne disposait d’une importante flotte d’avions et était une fierté pour tout Guinéen.
Les rédactions de VisionGuinee.Info et GuineeCheck.org se sont intéressées à ce sujet et ont décidé d’y enquêter.
Pour en savoir davantage sur sa publication, nous avons contacté Kelly Mansaré, l’administrateur de la page. Depuis le Maroc où il vit, il a confirmé être à l’origine de la publication. Il dit avoir relayé une information publiée par Aissatou Dalanda Bah. Cette dernière était jusqu’à un passé récent la cheffe d’escale de la compagnie Tunisair en Guinée. « C’est un sujet que les médias ne relatent pas. Les Guinéens se préoccupent plus de la politique », explique-t-il pour justifier son intérêt pour le sujet.
Avant Kelly Mansaré sur “Peuples Dignes”, le post avait été fait par Aissatou Dalanda Bah, le 28 septembre 2020, sur sa page Facebook. Il a été reproduit, le 22 octobre 2021, par les pages Guinéetechnologie.com et La Guinée. Dans nos recherches, nous avons découvert que la compagnie Air Guinée a été créée par le président Ahmed Sékou Touré à travers le décret N°048/PRG/ du 31 décembre 1960. Pour mettre en place la société, la Guinée a bénéficié du soutien technique des Soviétiques qui ont mis un avion de marque Ilyushin Il-14 à sa disposition pour l’accompagner. « C’est la première compagnie aérienne qui a été créée au sud du Sahara. Elle a été créée en 1960 par le président Ahmed Sékou Touré », avance Mamady Kaba, ingénieur d’aviation civile.
La Guinée avait accédé deux ans plus tôt à son indépendance. Elle s’est alors tournée vers l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) pour acquérir ses premiers avions, y assurer aussi la formation des pilotes et des techniciens.
Des archives, nous apprenons que c’est en mars 1960 que le gouvernement guinéen a signé une série d’accords avec l’URSS. Parmi les accords figurait un qui prévoyait la fourniture d’avions, d’équipages et d’autres assistances techniques, visant à moderniser l’aéroport de Conakry. Les opérations de vol ont débuté à l’interne de Conakry vers Boké et Kankan.
« Cette compagnie, qui a fait la fierté de toute l’Afrique, avait un premier équipage 100% guinéen qui pilotait les avions à travers la sous-région, le continent africain jusqu’en Europe jusqu’en 1984 », renseigne Mamadou Dia, qui fut chef de Cabinet du ministère d’Etat des Transports. Au fil du temps, la compagnie assurait le transport aérien des personnes et de leurs biens à l’intérieur du pays, en Afrique et vers d’autres destinations à travers le monde.
Flotte de la compagnie
« Les Russes avaient mis un Iliouchine 18 à la disposition de la Guinée ainsi que trois avions de marque Avia 14 d’une trentaine de places environ. La Tchécoslovaquie a mis des équipages à la disposition de la Guinée pendant qu’on formait nos techniciens de maintenance. Ils sont restés jusqu’en 1964, année à laquelle ils sont partis pour des raisons politiques », explique Mamady Kaba, l’expert en avion civile. Il précise qu’à partir de 1964, la compagnie Air Guinée a été enrichie par l’arrivée d’autres avions de moyenne portée dont des Iliouchines 18, les AN (Antonov) 24 de marque soviétique. Il a fallu attendre la fin des années 70 pour que le gouvernement guinéen prenne la décision d’acquisition d’un premier Boeing B 727-200 « C’était en 1979. Puis, un Boeing B707-200 et enfin un Boeing 737-200C. Air Guinée avait reçu un Dash 8 canadien flambant neuf avec la construction de la base de maintenance à l’aéroport international Ahmed Sekou Touré ».
Pour Mamady Kaba, vers la fin du règne du président Sékou Touré, la Guinée était riche d’une flotte « importante ». « Nous avions 3 Boeing dont un 707, un 727 et un 737. La compagnie disposait d’un Dash 8 canadien. L’armée avait mis à la disposition de la compagnie des avions cargos Antonov AN-12. Air Guinée avait trois Iliouchines 18 ainsi que des AN-24. Avec le temps, on avait commencé à faire des locations brèves. On a eu à prendre à un moment donné un Yakovlev YAK-40 », détaille-t-il.
Dans le cadre des opérations de restructuration des entreprises publiques en 1987, Sékou Savané, ancien directeur général de la compagnie Air Guinée, rapporte dans un entretien publié sur World INvestment NEws le 14 avril 2000 que les autorités d’alors avaient décidé de « vendre le Boeing 727 et le B-707. Seuls le B-737 et le Dash 7 sont restés dans le portefeuille de Air Guinée. Le Dash 7 est tombé en panne en mai 1994, et depuis ce temps, seul le B737 est opérationnel. Il effectue des vols dans une grande partie des pays de la CEDEAO jusqu’à Kinshasa. Il est également utilisé pour les vols présidentiels, c’est-à -dire les déplacements officiels du chef de l’Etat ».
Localités desservies
La compagnie Air Guinée opérait des services intérieurs de Conakry à Boké, Faranah, Kankan, Kissidougou, Labé, Macenta, Siguiri, Gbenko dans la préfecture de Kérouané et N’Zérékoré. Elle desservait également des capitales ouest-africaines dont Abidjan, Bamako, Dakar, Freetown, Lagos et Monrovia. « Il y avait à peu près 10 avions qui couvraient le trafic intérieur et extérieur. La compagnie avait une vision sociale. C’est elle qui assurait le transport de tous les étudiants qui étaient dans les pays de l’Est. Les vols pour le pèlerinage étaient assurés par Air Guinee. La compagnie envoyait des pèlerins à la Mecque à partir de l’intérieur du pays à travers les pistes de Labé, Faranah et Kankan. Elle s’occupait parfois du transport des pays voisins dont le Mali. Le Sénégal, je ne m’en souviens pas. Mais il est arrivé un moment où on a prêté main forte au Mali pour convoyer les pèlerins vers Djeddah », détaille notre interlocuteur.
Quid des pèlerins de la Guinée Bissau, du Liberia et de la Gambie ? « La proximité de nos pays permettait aux pèlerins de ces pays de venir prendre les vols ici pour aller à la Mecque », ajoute M. Kaba. Quant aux pistes d’atterrissage d’une longueur de 3 000 mètres, il confirme que la Guinée s’était dotée d’aérodromes à Kissidougou, N’Zérékoré, Boké, Koundara, Labé, Kankan, Macenta, Gbenko dans Kérouané, à Fria, Sangarédi et Kamsar.
Air Guinée, une fierté nationale ?
Là-dessus, Mamady Kaba se montre formel. « Quand on voit nos avions battant pavillon République de Guinée traverser des airs pour aller dans d’autres pays, c’est un motif de satisfaction », souligne cet ancien boursier de l’Etat guinéen dans les pays de l’Est, qui insiste sur le fait que la vocation de Air Guinée était « humaine et sociale ». La compagnie n’était pas dans le schéma de l’économie de marché voulu par la Banque mondiale et autres. L’économie de marché a redimensionné autrement Air Guinée ».
Suite à l’ajustement structurel, politique de réformes économiques mise en place par la Banque Mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), l’Etat a privatisé Air Guinee en 1992, avant d’être dissoute en 2002.
Compagnies aériennes nationales phares et leurs dates de création
Ethiopian Airlines (ET). Fondée en 1945, Ethiopian Airlines est considérée comme l’une des compagnies les plus influentes d’Afrique, régulièrement classée numéro 1 dans le Continent.
Kenya Airways Limited (Code AITA KQ ; code OACI KQA) est la compagnie aérienne porte-drapeau du Kenya. Basée à Nairobi, elle fut fondée le 22 janvier 1977 après la dislocation d’East African Airways.
Créée en 1971, soit plus de dix ans après l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, Air Sénégal s’est acquittée jusqu’en février 2000 de sa mission de rallier les autres grandes métropoles par voie aérienne à partir de Dakar. Confrontée à plusieurs reprises à des crises économiques, la compagnie a été liquidée avant de reprendre service grâce à de nouveaux partenariats entre l’État du Sénégal et des investisseurs privés.
Verdict :
La compagnie aérienne Air Guinée fut la première à avoir été créée en Afrique de l’Ouest et disposait d’une importante flotte qui desservait des villes de l’intérieur du pays et opérait des vols internationaux.
Cet article a été rédigé par Ciré Baldé dans le cadre du projet d’Éducation au Média à l’Information et au Numérique Plus (EMIN +) avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par le directeur de publication, Sally Bilaly SOW.
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