Partager la publication "Prétendu suicide de Michel Lamah : une rumeur créée et entretenue par des désinformateurs de la toile guinéenne"
Alors que le pays fait encore face aux multiples conséquences de l’explosion du dépôt des hydrocarbures de la Société guinéenne de pétrole (SONAP) survenue le 18 décembre 2023 à Kaloum (Conakry), le 26 décembre 2023, une rumeur naît et enfle sur les réseaux sociaux. Selon ses auteurs – la plupart des vidéo mans appelés à tort des blogueurs de facebook-, le capitaine Michel Lamah, un élément du Groupement des Forces Spéciales qui a renversé l’ex-président Alpha Condé, lors du putsch du 05 septembre 2021 se serait suicidé dans une prison sur l’île de Kassa, aux larges de Conakry.
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Les publications sur trois pages (La Guinée Conakry, Travail, Justice, Solidarité, Afférage.224 et Basse cote lanyi internationale Fonike Kountigui) reprennent à ce sujet le même texte et l’amplifient. Même si les deux premières ont retiré leur publication, la troisième a maintenu la sienne.
Rapidement, la « nouvelle » est devenue virale. Mais le soir du réveillon, la Direction de la Communication et de l’Information (DCI) de la présidence guinéenne a définitivement enterré la rumeur. Elle a capté des images du Président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, en compagnie du capitaine Michel Lamah mais aussi du commandant Alia Camara, le chef des opérations durant le coup d’Etat contre l’ex-président Alpha Condé. Ces deux célèbres acteurs du putsch étaient entourés de leurs familles respectives.
La rédaction de GuineeCheck.org a décidé de revenir sur cette désinformation
« Guinée Conakry / Décès ou assassinat : Michel Lamah, l’homme qui a mis mains sur l’ex-président Alpha Condé le 5 septembre 2021, serait retrouvé mort à Kassa selon une source proche de sa famille. Détenu en prison depuis plusieurs mois, Michel Lamah se serait suicidé dans sa cellule de prison à Kassa ce 26 décembre 2023. Pour l’instant, nous ne connaissons pas les motifs. Nous vous reviendrons », c’est le texte qu’on a pu lire le 26 décembre 2023 sur les trois pages susmentionnées. La rumeur est aussitôt reprise par de nombreux internautes.
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Le post de Basse côte lanyi internationale Fonike Kountigui a d’ailleurs comptabilisé plus de 130 commentaires et plus de 130 partages. Dans la même journée et sur le même sujet, cette page a partagé une vidéo de 17 minutes 26 secondes d’un autre de ses confrères « blogueurs » – vidéo mans-, AGI TV Officiel. La vidéo a comptabilisé plus de 4 420 réactions, plus de 1 320 commentaires et des dizaines de partages.
Le jour-même de ces publications, GuineeCheck s’était donné pour mission de vérifier cette « information ». Ainsi, nous avons entrepris de contacter les administrateurs des trois pages via Messenger, la messagerie instantanée de Facebook. Toutefois, seul le gestionnaire de la page de Basse cote lanyi internationale Fonike Kountigui nous a répondu dans la soirée du 26 décembre 2023. Nous avons ensuite poursuivi nos échanges sur WhatsApp.
Pendant tout l’appel qui a duré plus de 10 minutes, il a maintenu sa déclaration sur « le décès du capitaine Michel Lamah », ajoutant même que le militaire a été « empoisonné en prison parce qu’il gênait le pouvoir en place ». Malgré nos insistances, notre interlocuteur a refusé de nous révéler ses sources. Il nous a « invité » à vérifier par nous-même l’information pour comprendre que c’est la « vérité ». Le lendemain, nous continuerons nos investigations. Mais nos recherches entamées ce matin n’ont pas progressé. Nous comprenons donc qu’il faut patienter.
Le premier démenti
Dans la journée du 27 décembre 2023, un article du site d’informations Laguinee.info dément la rumeur. Jugé « insuffisant » par certains internautes, l’article de nos confrères a eu le mérite de renforcer le doute sur ce prétendu suicide. En effet, la mère du capitaine Michel Lamah, interrogée par un journaliste du média en ligne a rassuré avoir échangé avec son fils bien vivant et en bonne santé. « Ceux qui m’appellent pour mon fils, concernant la fausse rumeur à son sujet, il n’a absolument rien. Il va bien, ce n’est que du pur mensonge. Mon fils et moi, on a échangé (…) Michel est là. Il part au travail et revient, il n’a rien (…) Ceux qui disent qu’il est je ne sais où, ce n’est pas vrai. Mon fils n’est absolument pas en prison, il est libre et n’est prisonnier de personne. Il était un peu souffrant ces temps-ci, donc il devrait juste se reposer pour se soigner, et par la grâce de Dieu il est guéri, il n’a rien », a-t-elle expliqué en substance.
D’autres sites d’informations comme Africaguinee.com ou encore Le courrier de Conakry ont également apporté, dans la journée du 27 décembre, un démenti à cette folle rumeur. Cependant, ce n’était toujours pas suffisant aux yeux des internautes adeptes aux théories complotistes.
La fin du suspens…
C’est finalement les communicants de la présidence guinéenne qui feront taire définitivement les rumeurs, via une publication faite sur la page Facebook du président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, le lundi 1er janvier 2024. La publication contient des photos – qui avaient fuité la nuit précédente sur les réseaux sociaux – où l’on voit le capitaine Michel Lamah aux côtés du chef de l’Etat, accompagné de sa petite famille.
Quelques heures après, les mêmes photos se sont retrouvées sur la page officielle de Michel Lamah. Il a utilisé un des clichés pour changer sa photo de profil.
Que retenir de cette affaire ?
Et bien, il faut retenir que non seulement le capitaine Michel Lamah n’est pas décédé, encore moins s’être suicidé, mais aussi cette fausse information a intentionnellement été créée dans le but de semer le doute sur « l’institution présidentielle.» Car elle a été alimentée et vigoureusement défendue par les nombreuses publications (posts et vidéos) des pages Facebook gérées par ceux qu’on appelle injustement en Guinée « les blogueurs ». Malheureusement, l’absence de communication rapide de la part de la famille du militaire et des autorités guinéennes a permis aux agents de la désinformation de tirer bénéfices de cette immonde rumeur.
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Enfin, ce réseau de désinformateurs n’a qu’un objectif : monétiser l’attention de leurs abonnées. Une tactique que Meta – propriétaire de Facebook – laisse encore faire alors que dans de nombreux pays les plateformes numériques se sont engagées à contrer les différents réseaux de désinformation.
Cet article a été rédigé par Elisabeth Zézé Guilavogui dans le cadre du projet d’Éducation aux Médias, à l’Information et au Numérique Plus (EMIN+) avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par Sally Bilaly Sow.
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