Partager la publication "Résurgence d’Ebola en Guinée : attention au « virus » de l’intox sur « l’échantillon volé » en 2014 !"
Dimanche 14 février 2021, le gouvernement guinéen, à travers un communiqué signé du ministre de la Santé, Remy Lamah, a annoncé la résurgence du virus Ebola en Guinée. Une annonce qui fait suite à plusieurs décès dont celui d’une infirmière du centre de santé de Gouecké, une sous-préfecture située à 45 kilomètres de N’Zérékoré, en Guinée forestière.
Après les premières investigations menées par les autorités sanitaires, les équipes de l’Agence nationale de sécuritaire Sanitaire (ANSS) indiquent que “quatre hommes et trois femmes, dont trois cas de décès (deux femmes et un homme) ayant tous participé à l’enterrement de l’infirmière’’, ont été contaminés par le virus tueur, responsable de la mort de plus de 11 000 personnes entre décembre 2013 et mars 2016, principalement en Guinée, au Libéria et en Sierra Léone. En début de soirée, ce mardi 16 février 2021, le bilan de décès se porte à cinq morts dans la localité, selon des sources médicales locales.
Alors que le retour du redoutable virus crée la panique au sein de la population guinéenne qui se souvient encore du désastre causé par l’épidémie quand il avait sévi dans le pays entre 2013 et 2016, des cas contacts sont signalés à Conakry, précisément dans la commune de Ratoma, venus de Gouécké, le nouveau foyer de la résurgence de l’épidémie. Mais depuis l’annonce du retour du virus Ebola en Guinée, des citoyens, surtout des utilisateurs des réseaux sociaux, sont en train de propager une ‘possible fausse hypothèse’ sur l’origine des nouveaux cas d’Ebola confirmés ces derniers jours. En effet, ils ressuscitent une information vieille de plusieurs années, rapportant le vol d’une glacière contenant un échantillon du virus Ebola par des “coupeurs de route”.
Une affaire qui avait fait, à l’époque, le choux gras de la presse nationale et internationale, comme France 24, l’Obs… ou encore Fratmat.Info qui soulignait que « l’incident s’est produit sur l’axe Kankan-Kissidougou (…) où les coupeurs de route ont attaqué un véhicule de transport en commun, dépouillant les passagers de tous leurs biens dont une glacière contenant un échantillon de virus Ebola ». C’était en novembre 2014. Il y a donc plus de cinq ans !
A l’époque, le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS), Dr Sakoba Keïta n’avait pas caché ses craintes sur une possible propagation de la pandémie due à ce vol. « Le vrai risque ici, c’est que d’autres personnes touchent la glacière et qu’elles aient un contact avec le liquide » (contaminé au virus Ebola), avait-il expliqué. Dans le même article, Le Figaro avait précisé que, selon les scientifiques, « le virus peut survivre hors du corps dans des liquides comme le sang pendant quelques jours à température ambiante, voire quelques semaines à 20°C, mais pas en cas d’exposition au soleil ».
Cette affaire de vol de glacière contenant un échantillon du virus tueur avait suscité beaucoup de réactions. De nombreux citoyens s’étaient demandé comment un ‘colis’ aussi sensible ait pu se retrouver dans un véhicule de transport en commun, avec des passagers. Et bien pour justifier cette décision, le premier responsable de l’ANSS avait expliqué que « l’écouvillonnage de la bouche d’un patient de Kankan était acheminé malheureusement dans ces conditions parce que la région n’avait pas reçu son ambulance », estimant qu’il n’y avait pas d’autre alternative.
L’échantillon volé avait-il été retrouvé ?
Non ! Depuis ce braquage irréaliste, aucune information n’a indiqué que la fameuse glacière contenant l’échantillon du virus Ebola dérobé en novembre 2014 a été retrouvée. Mais ce vol, intervenu il y a plus de cinq ans, peut-il être la cause de la résurgence du virus Ebola à laquelle l’on assiste ces derniers temps ? C’est la thèse que certains Guinéens essaient de faire accréditée. Et c’est ce qui affole une partie de l’opinion qui craint une grande propagation de l’épidémie. Est-il possible que cette résurgence soit due à ce vol d’échantillon ? Apparemment, non ! En effet, selon le site Tops santé, la “durée de vie” du virus Ebola à l’air libre est de quelques heures ; et les mouches (ou moustiques) ne jouent aucun rôle dans sa dissémination.
Gouécke, l’hypothèse du patient zéro de la résurgence en question
Lors d’un entretien avec le site d’informations Guineematin.com, la chargée de formation, planification et recherche à la direction régionale de la Santé de N’Zérékoré, est revenu ce que l’on sait de la résurgence du virus Ebola en Guinée. Selon Dr Hélène Sira Guilavogui, « le cas a commencé en début décembre 2020 quand [une] vieille (infirmière âgée de 51 ans) s’est présentée au centre de santé de Gouécké. Mais, le diagnostic qui a été posé, c’était un diagnostic d’anémie sévère. Celle-ci a été hospitalisée pendant 5 jours au centre de santé et elle est sortie. Et, quelques jours après, elle est décédée. Entre-temps, sa belle sœur qui s’occupait d’elle pendant son état de convalescence a aussi développé les mêmes signes approximatifs que la vieille. Et elle, aussi, est décédée. C’est comme ça que les autres membres de la famille (les frères et les sœurs) se sont vus aussi dans le même tableau ». Et de préciser que « les causes de la résurgence du virus Ebola en Guinée ne sont pas encore connues ».
Au vu des différents éléments avancés dans cet article, il n’existe aucun lien avéré entre le vol d’une glacière contenant un échantillon du virus Ebola par des “coupeurs de route” en 2014 et la récente résurgence de la maladie dans la région de la Guinée forestière, précisément à Gouécké.
BONUS. Les autorités guinéennes viennent de prendre plusieurs mesures pour empêcher la propagation du virus Ebola dans le pays !
Dans la soirée d’hier, lundi 15 février 2021, le gouvernement guinéen a indiqué qu’il prend très au sérieux la résurgence du virus Ebola au sud du pays. Pour le contenir, il a annoncé avoir pris cinq mesures spécialement dans la sous-préfecture de Gouécké, le foyer de l’épidémie. Il s’agit de :
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- L’interdiction des marchés hebdomadaires et cérémonies religieuses et traditionnelles suscitant des regroupements pour une durée de 30 jours renouvelable si nécessaire ;
- L’enterrement digne et sécurisé de tous les cas de décès confirmés, suspect ou probable par les services habilités ;
- La déclaration aux autorités sanitaires et administratives de tous les cas de décès, et l’interdiction des regroupements de plus de 5 personnes ;
- La mise en place par les services de santé et de sécurité de barrages de contrôle sanitaire, la prise de température, la recherche des symptômes et des contacts aux entrées et sorties de la sous-préfecture de Gouécké ;
- L’isolement et suivi de tous les malades et leurs contacts.
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