Partager la publication "L’Ambassade de la Guinée en Côte d’Ivoire n’avait pas exigé la carte consulaire lors du recensement !"
Le 2 juillet 2025, en marge des travaux du Conseil Permanent de la Francophonie (CPF), Morisandan Kouyaté, ministre des Affaires Étrangères, de l’Intégration Africaine et des Guinéens établis à l’Étranger, s’est exprimé sur le Programme National de Recensement à Vocation d’État Civile (PN-RAVEC). Il a notamment répondu à une question relative à la polémique sur le non-enrôlement du président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, actuellement en Côte d’Ivoire, où il a essayé de s’enrôler le 25 juin dernier auprès de l’ambassade guinéenne à Abidjan.
« […] Lorsque des personnes sont à l’extérieur, ce sont des Guinéens établis à l’extérieur. Ils appartiennent à des circonscriptions diplomatiques. Et pour être présenté comme tel [recensé], il faut avoir la carte consulaire de cette circonscription diplomatique. Toute personne qui n’a pas pu avoir cette carte, ne peut pas se faire recenser […] », a déclaré le chef de la diplomatie guinéenne.
Après vérification, nous sommes en mesure d’affirmer que cette déclaration est inexacte. Le recensement des Guinéens établis à l’étranger n’était pas conditionné par la présentation d’une carte consulaire. On vous explique pourquoi…
L’UFDG crie au scandale
Le 25 juin 2025, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a été “empêché de se faire enrôler” en Côte d’Ivoire, a dénoncé dans un communiqué son parti politique. Ce, malgré qu’il soit “muni de tous les documents généralement demandés”, notamment « une carte consulaire, un acte de naissance biométrique, une carte d’identité nationale biométrique, un passeport ordinaire en cours de validité, ainsi que son passeport diplomatique expiré », a détaillé l’UFDG.

Communiqué de la Cellule de la Communication de l’UFDG
Selon le parti d’opposition, son président a eu un échange téléphonique avec l’ambassadeur de la Guinée en Côte d’Ivoire. Au cours duquel l’ambassadeur « […] lui a fait savoir que, pour les Guinéens résidant provisoirement en Côte d’Ivoire, notamment les anciens PM, des dispositions particulières seront prises pour leur enrôlement ».
Ce que l’Ambassade de la Guinée en Côte d’Ivoire avait demandé aux Guinéens établis dans le pays
En prélude au début des opérations d’enrôlement, l’ambassade de la Guinée en Côte d’Ivoire avait publié un communiqué sur sa page Facebook. Elle y a expliqué le déroulement du processus et les documents requis.
Il fallait être muni de l’un des documents suivants pour se faire enrôler :
La carte consulaire n’était pas exigée aux Guinéens établis au Sénégal, au Maroc, en France…
Sur les pages Facebook des ambassades de la Guinée au Maroc, au Sénégal ou encore en France, les communiqués invitant les Guinéens établis dans ces pays à se faire enrôler ne mentionnaient pas la carte consulaire parmi les documents demandés. Dans ces pays, un seul des trois documents suivants était aussi suffisant pour se faire recenser :
- Une copie d’acte de naissance
- Un jugement supplétif et sa transcription
- Un certificat de nationalité
Sur ces listes de documents des ambassades de la Guinée citées ci-haut, il n’est nullement demandé la présentation de la carte consulaire encore moins son exigence.
La carte consulaire pour des cas exceptionnels
Le 19 juin 2025, le ministère des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine et des Guinéens établis à l’Etranger a publié une note circulaire à l’attention des missions diplomatiques et consulaires de la Guinée. Il leur est demandé de prendre les dispositions pour permettre “[…] aux Guinéens établis à l’Étranger, âgés de 10 ans et plus qui n’ont pas tous les documents requis, de se faire recenser sur présentation de cartes consulaires dûment authentifiées”.
Ce document, à savoir la carte consulaire, n’était donc pas prise en compte au début de l’opération d’enrôlement, comme le montrent les communiqués de plusieurs ambassades de la Guinée à l’étranger.
Pour le coordonnateur de la cellule de communication de l’UFDG, il a été refusé au leader de son parti de s’enrôler en Côte d’Ivoire. Souleymane Souza Konaté a assuré que l’ancien Premier ministre était muni de tous les documents requis. Cellou Dalein Diallo « disposait de tous les documents exigés : un extrait d’acte de naissance biométrique, une carte consulaire, un passeport ordinaire valide et un passeport diplomatique expiré en 2024 », a-t-il indiqué.
Nous avons contacté l’Ambassade de la Guinée en Côte d’Ivoire et le ministère guinéen des Affaires Étrangères pour obtenir leurs versions de faits. Au moment de la publication de cet article, aucune de ces institutions n’a donné suite à notre sollicitation.
Des relations très tendues entre Cellou Dalein Diallo et le pouvoir de Conakry
Le 5 septembre 2021, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a renversé l’ancien président Alpha Condé. A l’époque colonel, Mamadi Doumbouya commandait le Groupement des forces spéciales, une élite d’élite de l’armée guinéenne. A sa prise du pouvoir, il est rapidement applaudi par plusieurs leaders de la classe politique dont Cellou Dalein Diallo. Le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) avait alors salué la chute de son adversaire politique, Alpha Condé, allant jusqu’à parler de « libération ».
Mais quelque mois après le coup d’État qui a mis fin aux onze années de règne d’Alpha Condé, son principal opposant a dénoncé un “écart” entre les engagements et les actes du nouveau pouvoir, concernant le retour à l’ordre constitutionnel. Et en mars 2022, peu de temps après la démolition de sa résidence à Conakry, Cellou Dalein Diallo a quitté la Guinée pour vivre en exil à l’étranger, d’abord au Sénégal et maintenant en Côte d’Ivoire.
Convoqué par la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) dans le cadre du dossier relatif à la cession, en 2002, de la compagnie aérienne Air Guinée alors qu’il était ministre des Transports, il a été inculpé pour “corruption, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite”. Il clame son innocence dans cette affaire en dénonçant un acharnement politique.
Depuis son exil, Cellou Dalein Diallo ne manque pas l’occasion de dénoncer publiquement les “promesses non tenues” de la junte et la “répression des libertés”.
L’ancien Premier ministre affirme sa volonté de maintenir la voix de l’opposition. Il souligne aussi les “difficultés” rencontrées par ceux qui ont tenté de s’opposer de l’intérieur au régime en place à Conakry.
Verdict
Les déclarations du ministre guinéen des Affaires Étrangères affirmant qu’il fallait détenir la carte consulaire pour se faire recenser ne sont pas exactes. Cette pièce ne figure pas sur la liste des documents exigés pour les Guinéens établis à l’étranger. Ce document a été ajouté à titre compensatoire pour ceux qui n’ont pas les documents initialement demandés.
Cet article a été rédigé par Mamadou Ciré Barry dans le cadre du Projet endiguer les désordres de l’information au Sahel, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par Sally Bilaly Sow.
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