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Les pays de la sous-région ont-ils tous augmenté le prix du carburant, sauf la Guinée ?

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Photo d'illustration. (C) Lci.fr

Ces dernières semaines, les autorités guinéennes – à commencer par le président Alpha Condé – ne cachent pas leur volonté de procéder au réajustement du prix du carburant à la pompe. Et pour faire avaler la pilule amère à la population, qui souffre déjà d’une hausse généralisée des prix des produits de première nécessité, depuis la dernière présidentielle qui a permis au chef de l’Etat guinéen de s’octroyer un troisième mandat à la tête du pays, elles ne lésinent pas sur les mots pour justifier ce possible réajustement. Si aujourd’hui le litre de carburant à la pompe est vendu à 9 000 GNF, soit 506.29 CFA (données fournies par Coinmill.com, datant du 31 mars 2021).

Tout a commencé à la récente retraite gouvernementale, début mars, lorsque le président Alpha Condé, face à ses ministres, avait assuré que le pétrole est vendu à l’équivalent de 13 000 francs guinéens au Sénégal et à 14 000 en Côte d’Ivoire. « J’étais dans l’optique d’augmenter [le prix du pétrole en Guinée], mais j’ai dit qu’il va y avoir le mois de [Ramadan], [donc] attendons après le mois de [Ramadan] », avait-il confié. Et très rapidement, certains sont allés jusqu’à dire que les pays voisins de ma Guinée ont tous procédé à l’augmentation du prix du carburant ces derniers temps.

Environ deux semaines après la sortie du président Alpha Condé, le 23 mars, c’est au tour du ministre des Hydrocarbures, Zakaria Koulibaly, d’emboiter les pas de son patron, en expliquant dans l’émission Mirador, diffusée sur les antennes de FIM FM, que « si le prix du baril se maintient à son niveau actuel qui est à 65 dollars américains, naturellement, comme les autres pays voisins, la Guinée procédera à une augmentation de 1 500 voire de 2 000 francs guinéens sur le prix actuel ».

Et dimanche dernier, 28 mars 2021, lors d’une visite dans la sous-préfecture de Tormelein, à quelques kilomètres de la ville minière de Fria, le président Alpha Condé est revenu à la charge avec insistance. « Tous les pays voisins ont augmenté le prix du carburant. Le litre est vendu à l’équivalent de 13 000 francs au Sénégal, 14 000 en Côte d’Ivoire ; alors que nous sommes à 9 000 GNF [en Guinée]. Le Gouvernement a demandé d’augmenter le prix mais je me suis opposé parce que le Ramadan approche. Parce que sinon, les prix vont exploser sur le marché. C’est pourquoi j’ai demandé d’attendre d’abord », a-t-il assuré.

Ce qu’il faut retenir…

Ces dernières années, la Guinée a connu certes quelques réductions du prix du carburant à la pompe. Mais ces réductions sont légères par rapport à l’évolution du prix du baril au niveau mondial. Ces réductions du prix des produits pétroliers ont eu sans doute très peu d’impact sur la vie des citoyens, surtout ceux qui ont des revenus faibles. Réunis au sein des Forces sociales de Guinée (FSG), une structure regroupant à l’époque plusieurs organisations de la société civile guinéenne et d’autres activistes, des Guinéens de divers horizons avaient en 2018 dénoncé ce qu’ils avaient qualifié « d’entêtement du gouvernement guinéen », face à son refus de diminuer les prix du carburant à la pompe. Cette vaste mobilisation avait réuni les Guinéens autour du hashtag #8000CestBon. A cette période, le prix du baril était à 45,03 $, donc pour la société civile, le litre du carburant était « vendable à 5 000 GNF ». Une pression à laquelle le gouvernement guinéen n’avait pas cédé ! Le 17 janvier 2020, le ministre des Hydrocarbures, Zakaria Koulibay, a assuré que « de 2011 à 2014, l’État guinéen a renoncé à ses taxes pour 2 000 milliards de francs guinéens, soit 500 millions de dollars ».

Mais qu’en est-il actuellement du prix du carburant dans pays voisins de la Guinée ?

Au Sénégal, c’est le Comité national des hydrocarbures qui détermine le prix de vente du carburant à la pompe. Et chez notre grand voisin du nord, les prix du carburant n’ont pas connu une hausse depuis 2019. Ce tableau ci-dessous, le récapitule les prix en cours au pays de la Teranga.

Les prix des produits pétroliers en vigueur au Sénégal depuis 2018

Au Mali, selon la direction de l’Office national des produits pétroliers (ONPP), en deux mois, le prix de l’essence à la pompe a chuté de 52 FCFA soit 7,19% et celui du gazole de 50 FCFA soit 7,68%. Donc, depuis le 11 mai 2020, le prix de l’essence à la pompe est passé à 671 FCFA soit 12 018,43 francs guinéens.

En Côte d’Ivoire, la dernière hausse de « certains produits pétroliers » date de juillet 2020. Selon les données de la Direction générale des hydrocarbures, le litre d’essence coûte  600 FCFA soit 10 695 francs guinéens (pas donc l’équivalent de 14 000 francs guinéens, contrairement à ce qu’assure le président Alpha Condé). 

Pays Prix du carburant En francs guinéens Prix en vigueur depuis Obs
Sénégal 775 FCFA 13.814,8 Juin 2018  
Mali 671 FCFA 11.960,9 Mai 2020  
Côte d’Ivoire 600 FCFA 10.695,3  Juillet 2020  
Sierra Leone 8.500 SLL 8.211,86 Mars 2020  
Liberia 131.982 LRD* 7.557.820 Octobre 2018  
Guinée Bissau 650 FCFA 11.586,6     

Source des données  : https://fr.globalpetrolprices.com/

Au vu des différents éléments à notre disposition, nous sommes en mesure d’affirmer non seulement que les pays voisins de la Guinée n’ont pas augmenté dernièrement les prix du carburant à la pompe, mais aussi les produits pétroliers ne coûtent pas aussi cher que le prétendent les autorités guinéennes. Il est évident que le carburant est venu moins cher en Guinée qu’au Sénégal (775 FCFA, l’équivalent de 13 814,8 GNF, donc plus de 13 000 GNF) et en Côte d’Ivoire 600 FCFA soit 10 695,3 GNF, donc loin des 14 000 GNF évoqués par le chef de l’Etat guinéen).


* Au Libéria, le carburant est vendu en gallon (équivalent à 4 litres) qui coûte actuellement 630 LD (liberian dollar). Et 1 dollar américain vaut 175 LD.


Des sources pour aller plus loin sur le sujet :

Conakry : des policiers guinéens filmés en train de violenter des personnes vivant avec handicap au pont 8 novembre

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